Gilets jaunes
Le message des Gilets jaunes à BHL
À l’heure où la France pauvre et modeste des Gilets jaunes fait savoir ses difficultés à se nourrir, à se loger, à se vêtir, son impossibilité d’offrir des sorties, des loisirs ou des vacances à ses enfants, ne parlons pas d’eux-mêmes, Carlos Ghosn, grand patron français (mais aussi brésilien et libanais, il a la triple nationalité), se fait arrêter au Japon parce qu’il est accusé d’avoir fraudé le fisc… Pauvre chéri : il ne gagnait que 16 millions d’euros par an ! Il lui fallait bien mettre quelque argent de côté s’il voulait survivre un peu…
J’y vois un symbole de la paupérisation induite par ce libéralisme que Mitterrand fait entrer dans la bergerie française en 1983 avec les intellectuels médiatiques du moment, Nouveaux Philo¬sophes en tête. Des pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux, puis des riches de plus en plus riches et de moins en moins nombreux : voilà ce qu’est la paupérisation. L’Empire maastrichtien est la créature des clones de Carlos Ghosn qui paupérisent à tour de bras. Macron est l’un d’entre eux.
Les journalistes des médias dominants clament partout que le message des Gilets jaunes est confus, invisible, illisible, divers, diffus, multiple, contra¬dictoire : non, il ne l’est pas. Il est même très clair : ce que dénoncent les Gilets jaunes, c’est tout simplement cela – la paupérisation.
On le voit dans les reportages, ce peuple-là n’est pas doué pour la rhétorique et la sophistique, la dialectique et la parole. Il dit simplement et clairement des choses simples et claires que les diplômés des écoles de journalisme, de Sciences Po, de l’ENA ou de Normale Sup ne comprennent pas parce que ça dépasse leur entendement. Ils sont pauvres, et l’engeance qui tient le pouvoir, politique, médiatique et économique, ne sait pas ce que signifie faire manger une famille avec 5 euros par repas. Ils ne le savent pas…
Il est facile de salir ces gens modestes comme le font Libération et Le Monde, L’Obs (avec un article dégoûtant d’un nommé Courage, probablement un pseudonyme…), voire l’inénarrable BHL. « Ces pauvres qui disent qu’ils le sont et qu’ils n’en peuvent plus de l’être, quelle beaufitude, quelle grossièreté, quel manque de manière ! » Et ces journaux seraient des journaux de gauche ? Qui peut encore le croire ?
« Salauds de pauvres ! » disent Quatremer et Joffrin, Courage et Askolovitch (qui m’inonde de textos insultants en me disant que tout le monde « se fout » de ce que j’écris, sauf lui apparemment…), Xavier Gorce, dessinateur au quotidien du soir et BHL. Car tous souscrivent comme un seul homme à cette saillie qu’on entend dans la bouche de Gabin dans La Traversée de Paris, un film de Claude Autant-Lara, un ancien du Front national version Jean-Marie Le Pen : « Salauds de pauvres ! » Le rideau se déchire enfin !
BHL écrit : « Poujadisme des Gilets jaunes. Échec d’un mouvement qu’on nous annonçait massif. Irresponsabilité des chaînes d’info qui attisent et dramatisent. Soutien à Macron, à son combat contre les populismes et à la fiscalité écolo » (17 novembre 2018). Passons sur la rhétorique du personnage, il y a bien longtemps qu’il ne pense plus et qu’il ne fonctionne qu’aux anathèmes – peste brune, rouges-bruns, poujadistes, fascistes, nazis, staliniens, pétainistes, vichystes, maurrassiens sont ses arguties préférées pour clouer au pilori quiconque ne pense pas comme lui. BHL détient le record mondial du point Godwin ! Chez lui l’insulte a depuis longtemps remplacé toute argumentation digne de ce nom. Dans le registre des insultes, on l’a oublié, il y avait aussi : « saddamite »…
C’est le néologisme créé par lui pour insulter Jean-Pierre Chevènement lors de la guerre du Golfe. À cette époque, BHL ne s’est pas fait traiter d’homophobe ! Il est vrai que ses amis dans la presse sont nombreux et qu’il dispose d’un efficace pool qui nettoie le net de ses bêtises en les renvoyant dans les pages invisibles – vérifiez en tapant BHL saddamite Chevènement sur le net, plus rien, nettoyé… Étonnant ! Car dans Bloc-Notes. Questions de principe cinq, page 141 de l’édition du Livre de Poche, on peut encore lire : « Chevènement saddamite et philoserbe ». J’attends que, des Inrocks à Libération, du Monde à France Inter, on dénonce cette homophobie qu’on m’a prêtée il y a peu parce que, moi, je ne souscrivais pas au doigt d’honneur antillais qui semblait ravir le président de la République et que je l’avais fait savoir sur le mode ironique. Il est vrai que BHL et l’humour, ça fait deux…
BHL qui fait tant pour qu’on parle de ses livres à chacune de ses parutions voudrait qu’on ne parle pas des Gilets jaunes dans les médias ! Comme si c’étaient les journalistes qui créaient l’actualité…
La pauvreté existe parce qu’on la montre.
Ne la montrons pas,
De cette manière elle n’existera plus.
C’est ainsi qu’on apprend à penser à l’École normale supérieure ! Censurons ces Gilets jaunes à la télévision, demandons à France Culture comment on s’y prend pour interdire de parole sur les radios du service public, et faisons taire cette racaille populiste, crypto-fasciste, lepéniste, vichyste, pétainiste, nazie – ne nous interdisons rien ! Car quiconque demande du pain pour ses enfants est une ordure populiste bien sûr…
Que BHL soutienne Macron, il n’y a rien là que de très normal. Avec Stéphane Bern et les Bogdanov, Line Renaud et Philippe Besson, ce qui se faisait de mieux chacun dans son domaine a offert ses courbettes au Prince. De plus malins vinrent manger la soupe payée par le contribuable à Bercy pour préparer la présidentielle. On n’y mangeait pas des repas à 5 euros…
Enfin, que BHL soutienne la « fiscalité écolo », comme son ami Cohn-Bendit, n’est pas non plus étonnant : il reprend l’élément de langage qui voudrait que ces taxes aillent à la fiscalité verte alors qu’elles vont majoritairement dans les caisses de l’État. La revue Que choisir l’a récemment montré dans l’un de ses articles9.
Pour salir les Gilets jaunes, des journalistes et des éditorialistes affirment qu’ils rejettent la fiscalité, qu’ils sont contre les taxes, qu’ils refusent les impôts, qu’ils rechignent à payer des taxes écologiques. C’est faux. C’est Carlos Ghosn qui refuse de payer ses impôts, ainsi que les riches qui ont placé leur argent dans les paradis fiscaux avec l’assentiment de l’État français, pas les Gilets jaunes qui, eux, veulent bien payer des impôts directs et indirects, mais s’insurgent que ces impôts qui doivent servir à payer le salaire des fonctionnaires, à faire fonctionner les écoles, les hôpitaux, les commissariats, les gendarmeries, soient accompagnés en province de suppressions de fonctionnaires et de fermetures d’écoles, d’hôpitaux, de commissariats, de gendarmeries.
Revenons à BHL : s’il est tellement soucieux de l’état de la planète qu’il estime que l’État maastrichtien doit faire payer les pauvres avec leurs voitures de travail afin que les riches puissent polluer en se déplaçant en avion, alors qu’il cesse de passer son temps entre deux aéroports, lui qui disait sans vergogne qu’il avait trop de maisons…
On peut lire en effet dans L’Obs (5 juillet 2017) : « “J’ai trop de maisons dans le monde.” Bernard-Henri Lévy se résout à vendre une de ses villas pour 6 millions d’euros. » Lisons cet article : « Trop d’argent, pas assez de temps. Bernard-Henri Lévy a confié à Bloomberg dans un article publié ce lundi qu’il était contraint de vendre une de ses villas au Maroc, à Tanger, faute de pouvoir en profiter suffisamment : “Je partage mon temps entre Paris, New York et Marrakech. J’ai trop de maisons dans le monde et, hélas, l’année ne dure que 52 semaines.” Prix de la demeure sacrifiée : 6 millions d’euros, en vente sur le site de Christie’s International Real Estate, pour 600 mètres carrés situés “au sommet d’une falaise, face à Gibraltar, au point précis où se côtoient l’Atlantique et la Méditerranée”, affirme BHL, bon vendeur. » Bonjour l’empreinte carbone du philo¬sophe !