Petit tyran
L’enfant au pouvoir
Dans ma pratique de psychologue clinicien, je rencontre de plus en plus de parents impuissants devant ce que j’appelle la prise de pouvoir de leur enfant à la maison : « On ne sait plus comment le prendre… », « Il fait ce qu’il veut… », « On n’en peut plus !… »
Derrière ces affirmations se cache le plus souvent une grande détresse : les parents ne comprennent pas comment ils en sont arrivés là et cherchent souvent une explication « environnementale » (c’est la faute à la société) ou « psychologique » (il a besoin d’affection). Apparaît alors un véritable stress familial : le père, la mère et la fratrie du petit « tyran » présentent toute une série de symptômes et de réponses inadéquates tant leur émotionnel est exacerbé. L’enfant tyran s’autodétruit par son égocentrisme démesuré, mais il génère aussi chez l’autre la dépression, l’anxiété et la colère.
Comment l’enfant a-t-il pu subrepticement détourner les règles adultes quotidiennes au profit de son bon vouloir ? Quelles sont les attitudes parentales qui ont renforcé cette passation de pouvoir ? Est-ce un problème de société ou une question d’éducation ?
Les spécialistes de tous bords et les médias s’intéressent de plus en plus à cette omnipotence infantile. La tentation est grande de revenir une fois de plus en arrière, de rappeler les « bonnes vieilles méthodes éducatives » à la rescousse et de passer ainsi de la permissivité à la répression. Un des objectifs de cet essai est justement d’aider les parents à renouer avec l’éducation qui ne saurait être ni le laisser-aller ni l’autoritarisme destructeur. Comment peut-on épanouir son enfant, l’aider à vivre tout son potentiel, sans le brider dans sa légitime volonté d’exister à part entière et l’inciter à respecter autrui, à vivre avant tout socialement ?
L’enfant tyran, ce n’est pas que chez les autres
L’enfant roi, nous le connaissons bien et nous sommes nombreux à en avoir un à la maison : il possède tous les biens matériels possibles, selon son milieu social (l’enfant gâté), et ne souffre d’aucune carence affective (on l’aime). L’enfant tyran, c’est autre chose : il manifeste une véritable domination sur les autres et ses parents en particulier.
Certains enfants deviennent tyranniques sans le vouloir vraiment, d’autres savent profiter d’une permissivité parentale, d’autres encore sont de véritables petits despotes « éclairés », mais tous tombent un jour ou l’autre, s’ils ne sont pas arrêtés, dans la tyrannie absolue.
C’est pourquoi nous devons, nous parents, être vigilants, mettre un terme à l’escalade avant l’exacerbation d’un comportement déviant qui fera de l’enfant tyran un véritable délinquant, le jour où il se rendra compte que les comportements infantiles habituels ne suffisent plus pour obtenir ce qu’il veut, et qu’il lui faut passer au stade supérieur : faire souffrir, faire mal.
Mon premier souci est de vous faire comprendre que nos enfants peuvent rapidement franchir les étapes qui les mèneront d’enfant gâté à enfant roi et d’enfant roi à enfant tyran. Ne soyons plus naïfs et sachons observer telle ou telle attitude chez nos enfants : arrêtons les interprétations ou supposés de tout poil, n’acceptons plus les demandes et les exigences démesurées.
Il est vrai que nous ne sommes pas aidés : notre société de consommation fait de notre progéniture une cible privilégiée, elle stimule la demande infantile, la manipule à souhait. Soyons vigilants, le combat est certes inégal avec les marketers des multinationales, mais n’en rajoutons pas en nous fermant les yeux. Puisque l’enfant est sollicité de toutes parts pour un principe de plaisir toujours plus immédiat, il nous incombe de lui rappeler, même si cela s’avère conflictuel et frustrant, le principe de réalité.
Didier Pleux.
De l’enfant roi à l’nefant tyran.
Odile Jacob, 2012.