Les sept corbeaux
Il était une fois un homme et une femme qui avaient déjà sept garçons quand leur vint enfin une fille. Tant espérée, mais si chétive… Le père trembla de perdre ce petit être à peine né.
Il y avait au bas du pré une source d’eau vive que l’on disait miraculeuse. Il envoya à cette source ses sept garçons puiser de l’eau dans une fiole de cristal.
Les sept frères partirent au pas de course.
Arrivés à la source, ce fut à qui puiserait l’eau :
– Moi, moi ! Non c’est moi !
Tant et si bien que le flacon échappa à leurs mains fébriles et alla se briser en éclats sur la dalle.
L’écho de ce fracas tinta à l’infini. Soudain figés de peur, les sept garçons ne bougeaient plus.
Là-bas, à la maison, le père inquiet pour sa petite criait au même instant :
« Maudits garçons où traînent-ils ? Puissent-ils se transformer en corbeaux et que seule cette fillette puisse les délivrer un jour ! »
Fffttt ! L’air chuinta. Sept corbeaux, survolant la maison, s’envolèrent par-delà la forêt.
La fillette ne mourut pas. Elle grandit en ignorant qu’elle avait eu des frères.
Or un jour de grosse lessive – elle avait environ sept ans – elle vit sur la corde à linge, sécher sept petites chemises.
– « À qui sont ces chemises ? Elles sont trop petites pour être à papa ! »
On lui raconta l’histoire de ses sept frères transformés en corbeaux le jour de sa naissance.
La nuit suivante, elle s’enfuit de la maison. Elle n’emporta rien qu’un fragment de cristal de la fiole cassée.
Elle marcha longtemps. Elle arriva au pays des étoiles. Elle les salua et leur raconta son histoire. L’étoile du berger lui répondit :
« Pour délivrer tes frères de la malédiction, tu dois leur tisser sept chemises d’orties sans prononcer un mot. Ensuite tu chercheras la montagne de verre. C’est là que vivent tes sept frères. Voici la clé pour en ouvrir la porte. ». Elle lui donna un petit bout d’os.
La fillette remercia, mit la clé dans sa poche et dit au revoir aux étoiles.
Elle marcha longtemps. Elle trouva un champ d’orties. Elle s’assit, fila, tissa, cousit sept chemises d’orties sans prononcer un mot.
Quand les chemises furent faites, elle reprit sa route. Elle marcha longtemps. Elle trouva la montagne de verre. La porte était fermée. Elle alla dans sa poche pour y prendre le petit os. La poche avait un trou et l’os avait filé.
Alors elle prit son couteau et se coupa le petit doigt pour en faire une clé nouvelle.
Cela marcha très bien ! La porte s’ouvrit toute grande.
Il y avait une salle à manger. Le couvert était mis – sept assiettes et sept gobelets – et le repas servi.
La fillette mangea une bouchée dans chaque assiette et but une gorgée dans chaque gobelet. Puis elle alla se coucher dans un petit lit blanc.
Arrivèrent les sept corbeaux dans leurs livrées de plumes noires.
– Qui a mangé dans mon assiette ?
– Qui a bu dans mon gobelet ?
– Oh ! Regardez ce fragment de cristal de la fiole que nous avons cassée !
– Quelqu’un de par chez nous est venu jusqu’ici.
– Si c’était notre sœur nous serions bientôt délivrés !
C’était à qui croassait le plus fort. La fillette se réveilla. Elle entra doucement dans la salle à manger. Elle jeta une chemise sur chacun des frères corbeaux.
À l’instant, dans un fouillis de plumes noires qui virevoltèrent partout, les sept corbeaux redevinrent garçons.
Toute la nuit ils firent fête et dès le lendemain matin, ils s’en allèrent tous ensemble, les sept garçons et leur vaillante sœur, retrouver leurs parents à la maison.
La parole touche souvent ce que la flèche ne peut atteindre.