Batracien
Tout est langage, tout nous parle : phénomènes naturels, expériences physiques, comportements animaux, etc. Les scientifiques, partant de l’observation des faits, en ont tiré des lois. De leur côté, les poètes, les philosophes et les sages ont observé des ressemblances et analogies entre phénomènes distincts, qu’ils ont formulées en langage symbolique sous forme de métaphores ou de paraboles, riches d’enseignements. Celles-ci mettent en évidence l’unité sous-jacente de phénomènes qui semblent sans rapports, mais qui sont en réalité régis par les mêmes principes. Comme le dit O.M. Aïvanhov :
« Le langage symbolique, qui est le langage universel, représente la quintessence de la sagesse. […] Les symboles sont des graines que vous pouvez planter ; ainsi, vous travaillez avec une dizaine de symboles et vous possédez toutes les sciences. […] Il est important d’approfondir le langage des symboles, car en faisant apparaître les liens, les correspondances entre les choses, il révèle la profonde unité de la vie(1). »
« La profonde unité de la vie. » Tout est là. Les métaphores et les allégories soulignent que les mêmes forces, les mêmes processus, les mêmes lois sont à l’œuvre à tous les niveaux : en nous et autour de nous, dans le macrocosme et le microcosme, partout. La connaissance qu’elles nous procurent n’est pas analytique, mais synergique : elle rassemble, elle réunit, elle révèle des liens.
Autre avantage des métaphores, surtout quand elles sont dérivées de la nature : elles transcendent les siècles et les millénaires. Preuve en est que les paraboles utilisées par Jésus nous parlent encore aujourd’hui. Idem pour les symboles et les images que l’on trouve dans les Upanishads ou dans la tradition toltèque, par exemple. Par comparaison, avez-vous essayé de lire un ouvrage scientifique du début du XXe siècle (sans même parler des siècles précédents) ?
Le savoir vieillit, la connaissance, non. Un signe subit l’usure du temps, pas un symbole. Un fruit dépérit, une graine se conserve des siècles. Parce qu’un symbole, une image, sont vivifiés par notre propre vécu, notre expérience, notre imaginaire. D’où l’étymologie du mot « connaître » : naître avec. Le langage symbolique est véritablement porteur de connaissance : notre participation est nécessaire pour qu’il prenne vie.
Les amateurs d’étymologie ne manqueront pas d’observer que le mot « symbole » est le contraire de « diable » : sumbolleïn en grec – littéralement « jeter ensemble » – signifie assembler, réunir, tandis que diabollein veut dire séparer, diviser. Le diable, pourrait-on ainsi dire, c’est l’esprit de division plutôt qu’un personnage à cornes, sabots, queue pointue et peau rouge. À une époque où l’esprit analytique règne en maître, favorisant l’individualisme forcené, la fragmentation sociale, la réduction du monde à des chiffres, à des statistiques et des données sans vie, nous pouvons, grâce aux symboles, réintroduire de la vie, de la poésie, de l’imaginaire, du lien et du sens dans le monde.
Olivier Clerc.
La grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite…
Lattès, 2005.